§PROJET : Quartier Open Source (EUROPAN 12)

Projet en collaboration avec Ivan Fouquet (image : Zoe Fontaine)

Le concept de « Ville Adaptable » articule morphologie et métabolisme des villes en appelant à intégrer la notion de temps dans les processus de transformation de ces dernières. Pour nous, l’évolution dans le temps est déjà inhérente au projet urbain. Notre approche est celle de l’Open Source. Fondée sur le partage et la mise en commun des ressources et des moyens, elle est au fondement des mouvements des « Villes en Transition » de Rob Hopkins, ou « Better Block » aux États-Unis ou « Guerrilla Gardening » partout dans le monde. Il n’est pas ici question d’une ville auto-construite, mais d’une « co-conception » de la ville. Ses évolutions sont tangibles et accessibles à tous ; ses acteurs sont tout autant les architectes, urbanistes, paysagistes et autres politiques que ses habitants eux-mêmes. L’espace urbain doit être capable d’accueillir ces appropriations d’ampleurs variées qui peuvent modifier ponctuellement (dans le temps et l’espace) un lieu, voire un territoire.

La notion d’Open Source implique des moyens de mise en œuvre simples, légers et facilement modifiables. Notre projet s’articule autour de deux types de structures ouvertes : des murs mitoyens entre lesquels le bâti peut se développer et des rubans d’activités où s’inventent librement de nouveaux usages : jeux, fêtes, discussions, concerts, repas, jardins partagés, vide grenier, extensions des puces, etc. L’espace public que nous développons propose à ses habitants diverses qualités d’ouvertures, d’inclinaisons, de porosités, de matériaux, de contractions et dilatations qui offrent une variété d’appropriations possibles. Sur le site, les cafés et autres atelier partagé (fablabs) sont des lieux d’échanges et de sociabilisation. Ils peuvent devenir des lieux de formations les jours et de concerts ou d’activités associatives le soir. Vaste espace libre dans la ville, également devenu cinéma en plein air ou extension de la mosquée durant les fêtes musulmanes, est ouvert sur une plus grande plage horaire et à d’autres activités ou événements. Le potentiel d’usage de chaque lieu est optimisé ; sa souplesse permet de répondre aux attentes de ses usagers en restant en permanence à leur écoute. Ainsi, des continuités d’usages peuvent exister dans un même lieu. L’espace public retrouve sa destination première, celle du lieu des interactions sociales et des aménités.

Cette polyvalence des espaces de la ville, l’alternance de ses usages et sa « co-conception » engendrent des contraintes et imposent notamment la redéfinition de ses limites et la création d’outils de gestion et de gouvernance adaptés. Ce n’est pas un affranchissement des contraintes, celles-ci sont mouvantes, issues du dialogue, de la collaboration, du respect. Elles sont plus diverses, autant physiques que virtuelles : seuils, règles, barrières, convenance, distances ou politesse. Des rapports privilégiés se tissent entre les habitants et leur espace de vie. Des projets se réalisent temporairement ou de façon plus pérenne. L’espace public y est un espace partagé, l’espace privé peut s’ouvrir sur le public.

La notion de d’Open Source implique précisément un ajustement permanent à l’environnement urbain, social, économique et politique. Concevoir dans ce cadre revient à la reconnaissance de l’urbain tel qu’il se crée et se vit en acceptant son processus discursif d’évolution. Les espaces publics et bâtiments ne sont ni destinés ni soumis à un usage contraignant leur forme, et se résument aux besoins élémentaires de l’urbain dans leurs aspects les plus synthétiques.

Aujourd’hui, le modèle urbain appliqué au quartier de la Porte des Poissonniers impose le repli de chaque espace individuel sur lui-même. Il stérilise l’espace public en privilégiant la fermeture, la surveillance et le contrôle. Il est le fruit d’une vision sécuritaire à court terme hostile à la création de liens forts entre les habitants d’une rue et celle-ci. L’enjeu de l’espace urbain tient au contraire dans ses capacités à favoriser les échanges, en exacerbant le plaisir de vivre ensemble ou celui d’habiter un lieu avec d’autres. Cette recherche conjointe de diversité et de densité urbaine trouve son sens dans une ville fruit et vecteur de travaux communs. Dans le cadre de ce projet, nous proposons d’engager une dynamique d’échanges avec les habitants par l’intermédiaire de groupes de travail, d’actions artistiques et pédagogiques en multipliant les lieux d’échanges, de rencontres, d’interactions et d’activités publiques. Libérer les déplacements piétons et ouvrir les îlots ; réduire la place de l’automobile : ces actions influencent positivement et durablement les liens et interactions sociales dans la ville d’après de nombreuses études. Les infrastructures ainsi générées sont les catalyseurs permettant aux habitants de s’investir dans la construction virtuelle et physique de leurs lieux de vie et de travail. Le projet de la porte des Poissonniers est un manifeste visant à engager cette dynamique sur le long terme à une échelle toujours plus large.

Projet.

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Projet pour la porte des poissonniers | Ivan Fouquet et Baptiste François

1 Réponse territoriale

Le site est une limite, il souffre d’un manque de porosité nord-sud. Il est enclavé, enlacé de limites et constitue lui-même une limite.

Le boulevard périphérique forme une première frontière avec le nord de la métropole ; à l’échelle territoriale, le centre sportif, l’ancienne caserne, l’îlot du centre RATP présentent des épaisseurs urbaines difficiles à franchir. Les voies ferrées referment le quartier à l’est.

A l’échelle de la rue, grilles, grillages, clôtures, barrières viennent enceindre les parcelles de leur obsession sécuritaire stérilisante.

Le blocage nord-sud oriente le site de manière unilatérale Est Ouest. Le périphérique, le mail Cocteau, le boulevard Ney, la petite ceinture et la rue Championnet contraignent largement le site dans ce sens.

En réponse à cette problématique, le projet réalise des percées dans le sens nord sud, des coupures étroites mais franches pour relier le tissu parisien à Saint-Ouen. Étroites pour passer à travers les structures existantes (la caserne, le stade) et pour ne pas donner plus de place que nécessaire à l’automobile.

Conjointement, le projet tire parti des larges dégagements Est-Ouest qui existent déjà de part et d’autre du périphérique. Ceux-ci viennent structurer le nouveau quartier de lignes légères, ouvertes, flexibles et transformables :

– Rubans d’activités spontanées : un dessin, une topographie, un traitement paysager, leur permettront d’accueillir de multiples activités, de multiples usages en stimulant la vie de quartier.

– Le bâti se construit le long de ces rubans, privilégiant ainsi une façade sud largement ouverte, réduisant les masques et favorisant les apports solaires en hiver.

– une végétalisation continue des percées Nord-Sud et les rubans est-ouest permettent de bénéficier d’un maillage végétal continu favorisant l’infiltration des eaux de pluies, de réguler la température en été tout en permettant la biodiversité urbaine.

2 Rubans d’Activités Spontanées

Le mail Jean-Cocteau / de Croisset est actuellement un espace stérilisé peu enclin à accueillir ses usagers : peu de bancs trop écartés pour permettre les réunions, peu d’entretien, un espace généreux mais coincé entre deux hautes barrières pregnantes, une chaussée trop large sous-utilisée, la façade Ouest aveugle du bâtiment de l’actuelle mosquée créant un coin perdu, une liaison avec la porte de Clignancourt peu articulée. Ces constats nous ont mené à rechercher une très riche palette de qualités spatiales et infra-structurelles possibles pour un espace dédié aux appropriations par les usagers de la ville.

L’identification de larges bandes d’espace public Est-Ouest de part et d’autre du périphérique nous permettent de structurer un projet de scénario d’évolution urbaine autour de larges rubans urbains d’activités spontanées. Ces rubans intègrent tantôt la circulation tramway et bus (sur le boulevard Ney), tantôt la circulation automobile (sur le mail Jean Cocteau/de Croisset et rue des graviers) voire le boulevard périphérique, avec des activités spontanées inventées par leurs usagers à partir des qualités spatiales et matérielles diverses mises en œuvre dans l’espace public.

Notre proposition consiste en une série articulée de plis et déformations de sol générant des pentes, des estrades, des creux, des vallons, des surfaces détachées du sol et d’autres venant en continuité. Ces variations sont autant de potentiels d’usages, tantôt tables, bancs, pentes de jeu, tremplins, gradins, supports ou encore transats. Ce sont aux habitants et passants eux-mêmes d’en définir leur usage.

Les rubans forment ainsi des lignes de paysages urbains. Le quartier n’est pas structuré par son réseau viaire mais par ses rubans qui mettent en valeur les croisements, les lieux de rencontres potentiels, propices aux échanges, aux relations, aux partages. Ils sont à la fois placettes, cours plantées, parcs, carrefours, rues piétonnes, marchés, jardins d’enfants, terrains de sport, jardins familiaux, terrasses de café solidaire, skate parcs, scènes de théâtre ou de concerts, etc.

Appropriations possibles des rubans :

  • prolongement des puces

  • marchés

  • vide-greniers

  • repas de quartiers

  • pique-nique

  • jardins partagés, familiaux, ouvriers…

  • basket et foot de rue

  • skate

  • théâtre et représentations de rue

  • concerts en plein air

  • jeux d’enfants

  • fêtes de quartier

Infrastructures possibles des rubans :

  • centre de compostage

  • living machine (serre de traitement d’eau)

  • bancs

  • terrasses de café

  • kiosques

  • sanisettes

  • camionnettes de vente à emporter

3 Bâti

a. Le bâti tire profit de l’orientation est-ouest des rubans d’activités, il bénéficie de larges façades orientées au sud et capte l’énergie solaire en profitant d’apports d’énergie passifs. Cette orientation favorise l’éclairage naturel et évite la surchauffe d’été liée à l’exposition ouest. Les ouvertures au nord sont limitées pour éviter les déperditions.

Il s’agit de rompre avec les bâtiments épais et de retrouver l’échelle du bâti parisien existant de faible épaisseur, plus propice aux locaux traversant et à l’éclairage naturel. Les pièces de vie sont majoritairement au sud valorisant les espaces de vie extérieurs (terrasses, balcons) au soleil.

b. Nous prenons le parti de ne pas prédéfinir la fonction du bâti, de favoriser des espaces flexibles, transformables, modelables à volonté. Il s’agit d’effacer leurs spécificités pour pouvoir répondre à l’évolution des usages, des fonctions, des techniques et offrir la plus grande souplesse d’utilisation. Tout comme le bâti haussmannien abrite indifféremment des casernes de pompier, des bureaux, des écoles, des habitations, etc.

Nous proposons pour cela d’offrir une infrastructure minimum, essentielle et répétitive constituée de plateaux libres entre des « murs pignons » donnant accès à l’eau, aux énergies (électricité et chauffage urbain) ainsi qu’aux évacuations et à la ventilation. Ces services seront insérés dans de larges murs de refend, à la fois gaine et structure. Leur dessin reprend le profil des toitures parisiennes scandées par les débords de murs pignons/souches de cheminée. Ils s’élèvent avec le rythme et la régularité et l’irrégularité des constructions parisiennes.

c. Le bâti sera construit progressivement, suivant un(des) scenario(ii) se définissant dans le but de redonner de l’importance aux dents creuses et aux terrains vagues ; à la lenteur urbaine.

Bâti existant

On distingue dans le bâti existant présent sur le site les bâtiments récents, les tours et les barres de logements et le bâti plus ancien, industriel de la caserne et des halles de la RATP.

Les tours et les barres sont rénovées pour favoriser les économies d’énergie mais aussi le bien-être des habitants, elles sont isolées thermiquement et agrandies par greffes de terrasses, de balcons, de jardins d’hiver en extension. Leurs abords sont cultivés en jardins partagés et leurs toitures terrasses accueillent panneaux solaires et belvédère.

Les bâtiments de la caserne et les halles de la RATP constituent un témoignage de l’architecture industrielle en briques, ils sont conservés pour accueillir des ateliers, des cafés, des bureaux, des lofts… La mosquée est déplacée sur plusieurs étages à l’ouest du bâtiment principal de la caserne.

Les bâtiments de la casernes sont surélevés avec les mêmes dispositifs que le bâti neuf.

Les sheds en toiture des halles du centre RATP ne permettent pas de surélévation, mais rendent possible l’installation de panneaux solaires.

4 Périphérique

L’infrastructure passe en pont sur les parties est et ouest du site de réflexion tandis qu’elle est en talus sur sa partie centrale. Les bretelles permettant l’interconnexion du périphérique avec la porte de Clignancourt (le boulevard Ornano raccordé au boulevard Ney côté Paris et l’Avenue Michelet côté Saint-Ouen) délimitent le site de la caserne Gley au Nord, à l’Ouest et au Sud par des espaces publics routiers quasiment monofonctionnels. La limite Est étant marquée par les infrastructures ferroviaires.

Pour transformer cette limite unique contaminant le territoire en seuils variés, nous prenons le parti de perforer cette limite en sous-face et de la recouvrir ponctuellement, ces deux solutions ayant des mises en œuvres différées dans le temps. La première étape consiste en une percée dans la continuité de la rue Adrien Lesesne passant sous l’infrastructure sur une largeur d’une quarantaine de mètres dégageant de vastes espaces couverts en bordure de chaussée. La seconde étape permet de déplacer la surface du stade de foot synthétique d’entraînement au dessus du périphérique. En dialogue avec la façade monolithique et massive des logements étudiants d’architecture studio à l’ouest, ce bâtiment dégage une surface au sol permettant la création d’équipements tirant parti d’une épaisseur aveugle de bâti et d’un parking. Ce dernier est relié à la sortie du périphérique et du futur pôle de transport multimodal de la porte des poissonniers : métro, RER, bus, tramway, vélib’, autolib’.

A l’est du périmètre de réflexion, la rue des poissonniers passe sous le périphérique construit en pont huit mètres au dessus de la chaussée. De vastes espaces couverts utilisés pour le stockage de la ville de Paris sont intégrés en bordure de cette rue sous l’infrastructure. Coupés de l’espace public, sous-exploités, leur potentiel doit être utilisé au profit de l’expérience urbaine.

Pour ces vastes espaces couverts, existants pour ceux bordant la rue des poissonniers, à créer pour ceux découlant de la percée de la rue Adrien Lesesne, la sous-face de l’infrastructure est traitée en y implantant des équipements ou lieux tertiaires pouvant tirer parti de cette situation : salle de cinéma, boîte de nuit, skate park, espaces commerciaux, etc…

A plus long terme, nous ajoutons aux points de vue intérieur et extérieur décrit par TVK dans « No Limit, » un point de vue transversal : celui de la pratique du périphérique lorsque celui-ci accueillera une mobilité plus diversifiée qui lui conférera les qualités d’un boulevard urbain.

5 Mosquée

Nous proposons de diviser la mosquée provisoire de 3000 m² en deux nouveaux lieux de prière :

  • Dans le bâtiment principal de la caserne : 2 500 m ² sur trois niveaux, il abrite l’accueil, la fontaine / douche, un salon de thé avec hammam au RDC et deux salles de prière en étage.

  • Au cœur d’une infrastructure accueillant les associations du quartier en bordure du centre sportif, sous les terrains de tennis. Dans la logique d’une ville dense et adaptable, cette position à l’est du terrain de sport, permet d’étendre le lieu de prière à l’ensemble du stade les jours d’affluence lors des deux fêtes annuelles de l’Aïd al-Fitr et de l’Aïd al-Kebir. De même que pour les JMJ catholiques, un lieu laïc peut ainsi devenir ponctuellement un lieu de prière.

Si la loi de 1905, ne permet pas à la Ville de financer d’établissement religieux, il est envisageable de construire des structures d’accueil associatif ou de vendre ces locaux en état futur d’achèvement.

6 RATP

Le centre de BUS Belliard s’étend sur 8,4 ha et offre une capacité de 254 bus. L’étalement de ce site, sa faible occupation ( un bus pour 332 m²) pose un réel problème de densité urbaine et de traversée d’îlot (le site mesure environ 260 par 400 m). Nous proposons ici la possibilité d’un repli, l’étalement devient épaisseur. Le repli progressif du centre de bus donne l’occasion de construire pour ce site de nouvelles infrastructures tout en libérant 7,5 ha ( 89%) :

  • Un parc de stationnement de bus souterrain sur deux niveaux de 8 000m² est créé sous un nouvel îlot urbain

  • Un bâtiment d’entretien vertical est construit sur plusieurs niveaux. Transparent tel les garages des années 1930, son activité de nettoyage et d’entretien est théâtralisée pour la valoriser et faire rêver tous les enfants du quartier.

  • Ce repli s’accentue par une tour hébergeant l’administration, le restaurant d’entreprise et du logement. Cette tour implantée au bord des voies de la gare du nord est associée à leur franchissement. Cette tour est la proue de la passerelle abritant la nouvelle gare RER de la ligne B. Elle forme un signe, un repère, une aiguille marquant le nord de Paris entre la colline de Montmartre et le plateau de Romainville

  • En souterrain, une liaison est créée avec le projet de gare de fret ferroviaire « Chapelle International » en cours à l’est des voies ferrées. Dans la logique d’optimisation des infrastructures de la ville adaptables, nous imaginons ainsi une nouvelle génération de bus « adaptés » le jour au transport des passagers et la nuit au transport de marchandises de la gare multimodale au centre-ville.

Eau

Le projet propose une gestion vertueuse de l’eau :

– Les eaux pluviales récupérées sur les toitures sont stockées dans les bâtiments pour être utilisées pour les chasses d’eau et l’arrosage.

– Les eaux pluviales des rues circulent et s’infiltrent dans les bandes végétales qui maillent le projet

– Les eaux usées sont traitées localement et naturellement par phytoépuration, au moyen de « Living Machines » telles que conçues par John Todd, sous forme de serres, de noues, de filtres et de fossés drainants implantés localement pour éviter le transport sur de très longues distances et la saturation des réseaux d’assainissement en permettant un recyclage local de l’eau.

Végétation

Le projet propose un maillage du quartier favorisant les continuités végétales, une trame écologique pouvant accueillir les formes particulières de la biodiversité urbaine déjà présente sur ce site partiellement en friche.

Toutes les rues sont bordées de noues, haies ou de massifs plantés, absorbant les eaux pluviales et régulant la température du quartier en été. La végétation riche apporte de l’ombrage, de l’humidité et du rafraîchissement des rues, réduisant l’effet de chaleur des surfaces minérales. Les plantes filtrent la pollution et capturent les particules en suspension. Elles modifient la perception et jouent aussi un rôle important pour l’équilibre et le bien-être des citadins, elle apaise et relie à la vie et aux variations saisonnières… Chaque habitant peut apercevoir au moins un arbre depuis sa fenêtre.

Energie

Le projet va au-delà des exigences actuelles sur le sujet de l’énergie, il propose une réflexion sur les déplacements et sur le bâti.

– Le projet réduit la place de l’automobile par de simples voies en sens unique et un large parking silo sous le terrain de sport. Il privilégie les piétons, les cyclistes et les transports en commun déjà très présents sur le site et qui sont amplifiés par le tramway et la nouvelle gare RER de la ligne B.

– L’ensemble des nouveaux bâtiments sont passifs avec un fonctionnement basé sur la récupération et le recyclage de l’énergie (limitant les déperditions, récupérant l’énergie sur l’air extrait, les eaux usées, la chaleur des bureaux, l’énergie des déchets)

Orienté vers le sud le bâti créé bénéficie à la fois des apports solaires passifs en hiver et de la production d’énergie solaire thermique et photovoltaïque de ses toitures.

REFLEXION § Urbs, Networks, Civitas et Appropriations

Appropriations des Espaces Publics dans les Villes Contemporaines

Projet de recherche

De nombreux travaux de recherche ont été produits sur le thème de la relation qui s’est créée entre les réseaux d’internet (Bayard, 2010) et les villes. Ainsi sont nés de multiples vocables, chacun émanant d’un point de vue particulier, tantôt sceptique, tantôt enthousiaste, parfois totalisant, rarement neutre (Jeannenet in Mathien, 2005 : 67) : « ville interactive » (Wachter, 2010), « ville digitale », « ville numérique », « urbanité numérique » (Boullier, 1999), « cyber-city », « linked city » (Sassen, 2002) ou « computing platform » (Yoo, 2011). Ces vocables, quoi que ne décrivant pas tous les mêmes caractéristiques, nous permettent de comprendre que les réseaux d’internet ont depuis plusieurs années influencés les regards portés sur la ville, ses conceptions et ses pratiques. Récemment, les technologies portables ont généré l’introduction d’interfaces mobiles entre les réseaux d’internet et leurs usagers au sein même des espaces publics (Hosser, Magdalena, 2005 : 21). Adriana de Souza e Silva et Jordan Frith ont montré que cette introduction ne s’était pas accompagnée d’un changement radical de comportement des usagers de la ville, mais plutôt d’une augmentation de la « gamme d’activités personnelles et privées qui peuvent être accomplies dans l’espace public » (2012 : 188). Dans le même temps, de nombreux projets utilisant ces mêmes interfaces ont vu le jour, visant à créer des plates-formes publiques d’échange et de partage entre les différents usagers de l’espace urbain (Glow, Smart Map, ConnectiCity, Sekai Camera, etc.). D’autres projets utilisent simultanément l’espace public tangible et le virtuel pour en donner une autre lecture (Shepard, 2011). D’autres encore, trouvent à travers les réseaux d’internet un moyen de diffusion de leurs actions dans la ville (Lizinteruptus, OakOak, Mentalgassi, etc.). Dans ce spectre extrêmement étendu de relations possibles ou réalisées entre les pratiques de la ville et celles des réseaux d’internet, nous faisons l’hypothèse que certaines sont des tentatives, individuelles ou de groupe, temporaires ou plus pérennes, d’attribution de sens à une partie de l’espace public. Ces attributions de sens pourraient être nommées « appropriations » (Hossard, Magdalena, 2005 : 23). C’est à partir d’une analyse de certaines de celles-ci, notre corpus restant en partie à définir, que notre recherche visera à répondre à la problématique suivante : L’émergence des réseaux d’internet dans les espaces publics de la ville s’est-elle accompagnée d’une hybridation des pratiques d’appropriations de ces espaces ? Ainsi nous intéresserons nous aux lieux et méthodes de ces appropriations, à la perpétuelle création « d’espaces communs » (Biase, Coralli, 2009).
Les réseaux d’internet proposent-ils d’autres points d’entrées à l’expérience urbaine ? Si tel est le cas, ils modifieraient alors la perception des villes par chacun et questionneraient ce qui pouvait faire consensus dans leur définition. Chaque individu possède sa propre expérience de la ville ou des villes dont il est l’usager, expérience à laquelle serait venue s’ajouter, de manière hétérogène dans la population, celle de la ville sur les réseaux d’internet : chacun devenant porteur, aujourd’hui quasiment au sens propre avec les terminaux mobiles, de son espace urbain personnalisé. Doit-on remettre en question l’idée d’une réalité partagée sur l’espace public comme résultat de l’interpénétration de réalités individuelles ? L’espace public est-il « réellement » augmenté ? Les transformations des villes contemporaines sont-elles corrélées à des transformations dans les pratiques des espaces publics par leurs usagers ? Telles sont les questions qui seront abordées dans cette thèse autour de trois axes principaux :

– Les composants de l’espace public : dans leur travail sur les espaces de transport, Isaac Joseph, Dominique Boullier et Vincent Guilleudeux décrivent l’espace public comme une « juxtaposition d’espaces, de systèmes de régulations et de systèmes d’informations » dont la continuité est introduite par ses usagers. Ces derniers apporteraient l’instrument de « construction de la réalité » d’un « espace morcelé » (1993 : 212). Notre hypothèse est d’ajouter à cette juxtaposition un espace virtuel individualisé dont l’importance aurait été amplifiée par les réseaux d’internet introduit dans la ville. Ainsi, les espaces publics des villes contemporaines répondraient en tout point au troisième principe de l’hétérotopie décrite par Michel Foucault : « le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont en eux-mêmes incompatibles. » (Foucault, 2008 : 1577). S’il se montre pertinent, comment définir ce nouveau composant ?

– La planification et la spontanéité des pratiques de l’espace public : les relations entre villes et réseaux d’internet ne peuvent pas être, et ne pourront probablement jamais, être considérées de manière homogène dans l’espace public. Notre hypothèse est d’en distinguer deux catégories : les premières étant des relations planifiées, ou construites, et peuvent être identifiées au travers de leurs infrastructures – accès gratuit aux réseaux d’internet (Hampton, 2010) et autres dispositifs d’interaction (par ex. le « mobilier urbain intelligent » à Paris) – ou de la communication qui est produite pour les promouvoir (par ex. la campagne « restons civils » de la RATP). Les secondes sont des relations spontanées, des processus discursifs, résultantes des pratiques des usagers des espaces publics. Si cette distinction se montre appropriées, quels points de rencontre peuvent exister entre ces deux catégories de relations ?

– Les règles de partage de l’espace public : Les espaces publics imposent généralement à leurs usagers l’établissement d’un consensus autour des possibilités de leurs appropriations par chacun. Ces dernières sont tantôt décrites ou encadrées par des règles, tantôt font l’objet d’accords tacites (Goffman, 1973 ; François, 2011). Des « contraintes spatiales que la société urbaine a généré, qui interdisent l’action sur l’espace habité », de ce « mutisme spatial » (Bonnin, à paraître), sont nées de nouvelles pratiques visant à des appropriations temporaires ou permanentes des espaces publics : les BetterBlocks, GuerrillaGardening et autres ParkingDay dont les terminaisons peuvent laisser penser, souvent à tort, que ces appropriations ont d’abord été pensées pour se diffuser sur les réseaux d’internet. Celles-ci s’adaptent, contournent ou transgressent les règles des espaces publics dans lesquels elles s’inscrivent. Lorsque des doutes apparaissent sur leur objet ou leur légitimité, il peut y avoir crise. Notre hypothèse est de considérer ces crises comme les conséquences de déséquilibres entre les règles des espaces publics et leurs redéfinitions ponctuelles par des groupes. Comment les usagers des espaces publics comprennent-ils les limites de ces appropriations, qu’elles soient réelles ou virtuelles ?

Les réseaux d’internet feraient maintenant partie intégrante de tout discours sur la ville, même de manière sous-entendue. C’est ce que Stéphane Hugon appelle « la disparition de l’internet » : lorsque celui-ci a acquis une « forme de naturalité » (2012). Notre recherche fait sienne cette récente « disparition » pour l’interroger. Nous souhaitons explorer une partie de ses conséquences sur les espaces publics de la ville et donc sur leurs définitions.

Aux trois axes de recherche précédemment explicités correspondent respectivement trois thèmes intégrant chacun des objectifs épistémologiques et empiriques. Ces thèmes seront traités à partir d’entretiens et d’observations que nous réaliserons sur deux terrains distincts qui constituerons notre corpus de recherche : les terrains A sur lesquels sont mis en place les projets de l’entreprise partenaire et les terrains B, sans rapport avec l’entreprise, qui seront déterminés avec l’équipe du Laboratoire. Les trois thèmes traités seront :
– les outils : quels outils ont participé et participent aujourd’hui à la création de l’espace virtuel de la ville ? Nous explorerons dans un premier temps la généalogie des espaces virtuels individualisés au travers des outils contribuant à leur construction et à leur extension récente dont nous faisons l’hypothèse. Ce travail permettra de mettre en relief les ruptures et les continuités identifiables avant et après l’apparition du numérique. Il apportera également un éclairage sur l’intégration ou non de ces espaces virtuels à la juxtaposition de composantes de l’espace public que nous avons déjà évoqués. Au sein de l’entreprise partenaire, notre démarche sera plus empirique et nous tenterons, en étroite collaboration avec toute son équipe, d’expérimenter des prototypes prenant en compte les enseignements de nos travaux sur le terrain. À ce travail s’ajoutera celui de l’observation participante visant à mettre à jour les processus de création des outils au sein même de l’entreprise avec le souci constant du respect de la confidentialité de ses projets.
– les pratiques : quels liens tangibles peuvent être dégagés entre les pratiques de l’espace public et ses appropriations ? Les observations faites sur les terrains A nous permettrons d’analyser la mise en place de pratiques planifiées autour des outils développés pas l’entreprise partenaire. Ces observations donneront lieu à des synthèses directement exploitables par l’entreprise pour le développement et l’amélioration des outils qu’elle produit et met en œuvre. Les terrains B nous offrirons la possibilité d’observer les pratiques spontanées des espaces publics par leurs usagers, observations qui donneront elles aussi lieu à des synthèses et publications. De ces deux types d’observation, nous souhaitons tirer de meilleures définitions des limites entre spontanéité et planification des pratiques de la ville ainsi qu’une meilleure appréhension des articulations entre ces mêmes pratiques et ce que nous avons appelé des appropriations.
– les logiques : quelles logiques sous-tendent à l’acceptation et au respect des règles de l’espace public ? À partir des observations faites sur les deux types de terrains qui constitueront notre corpus, notre travail consistera à identifier les différentes formes d’interprétations des règles par leurs usagers pour les analyser. À l’instar de celles des pratiques, ces analyses donneront lieu à des synthèses directement exploitables par l’entreprise dans le but d’anticiper à la mise en place des règles autour de ses nouveaux projets. L’objectif épistémologique est de nommer est décrire les logiques de respect, contournement ou transgression des règles de l’espace public de la ville.
À travers ces trois thèmes, nous souhaitons dessiner une partie des contours changeants des espaces publics des villes et à leurs pratiques et appropriations par leurs usagers. Notre travail au sein de l’entreprise partenaire de cette recherche nous permettra de contribuer à l’élaboration des mécanismes et outils moteurs de ces modifications.

Bibliographie sélective :

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FOUCAULT Michel, 2008, « Des espaces autres » conférence pour le Cercle d’études architecturale du 14 mars 1967, in « Dits et écrits II », Paris, Gallimard, coll. Quarto, 1736 p.

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REFLEXION § Les manifestes de réappropriation

Hier, en intégrant au post précédent la revendication d’une ré-appropriation de l’espace public par Cyklop au travers de ses interventions, je me suis demandé quelles étaient les revendications (ou si des manifestes existent) des autres groupes ou artistes qui investissent plus ou moins légalement l’espace public. Quelques questions :

  • Est-il possible de trouver des invariants, des convergences ou divergences dans les textes qui existent ?
  • Quels sont les discours tenus sur les règles (mon thème de recherche) ?
  • Si l’on considère le terme règle comme la triade ; loi, règlement, bonnes manières (ce que fais Erving Goffman lorsqu’il différencie deux systèmes principaux de référence : les « règlements » et la « pression sociale. » Il subdivise ensuite le premier en deux parties : « la loi, le règlement du comportement qui s’appuie sur le pouvoir et l’autorité de l’Etat, et les règles, normes imposées par un agent autorisé, mais dont l’autorité provient d’une organisation moins globale que l’Etat. » (1973 : 102). Loi, Règles et Pression Sociale, une autre manière de définir cette triade), à quelle partie de cette triade font référence les critiques de la Règle enfreinte si cette idée est abordée dans ces textes ?
  • Je voyais apparaître une première grille de lecture a priori : 1 appropriation (réponse à l’uniformisation de la ville) / 2 dégradation ( revendiquée dans des cas radicaux [genre Kidult] mais peu évoquée en général [bien qu’elle pose question dans certains cas il me semble[) / 3 donner à voir (utilisée par les personnes ou groupe persuadé de faire quelque chose pour le bien de tous) Quelle est la limite entre ces trois formes d’actions ?

Il me semble intéressant de questionner l’influence du réseau et du partage dans le cadre d’actions qui n’auraient en général pas eu d’autres spectateurs que les habitants ou passants du lieu concerné par lesdites actions (excepté par l’intervention de la presse). Revendiquer (ou ne pas revendiquer) sur une page internet son action, concrète ou non, est une manière de formaliser (le mot est amusant) l’interaction entre la ville et le réseau. Ces connexions, nombreuses et variées, peuvent être faites depuis le développement du web 2.0 par n’importe qui, connu ou inconnu (On constate d’ailleurs que beaucoup des pages internets d’acteurs du street art sont sur des plate-forme gratuites de blog). Ces sites, blogs et autres pages facebook  transforment sur la toile la ville en son image (réunies par exemple sur googlestreet map pour donner l’impression de parcourir la ville, la boucle est bouclée).

Ci-dessous, j’ai recherché des textes (quand il y en a et qu’ils sont dans une langue que je peux comprendre)  qui expliquent certaines actions engagées. Cela pour tenter d’avoir un premier aperçu des tendances qu’on peut dégager sans aucune prétention d’exhaustivité :

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Faire prendre conscience

  • CitID is an ambitious project aiming to gain global consciousness by giving a (type)face to every city worldwide
  • RaspouTeam souhaite inscrire l’histoire de la ville dans la ville
  • Give a Minute is a new kind of public dialogue. It only takes a minute to think about improving your city, but your ideas can make a world of difference. « Give a Minute » is an opportunity for you to think out loud

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Dénoncer par l’action:

  • « La guérilla jardinière défend le droit à la terre et la réforme agraire. C’est une fronde qui remet en question le régime foncier et interpelle les pouvoirs publics sur l’utilisation de ces terres en friche. Dans certains cas, c’est un pied de nez au « tout béton » de nos villes, dans d’autres une revendication pour des cultures vivrières, comme le Mouvement des sans-terre au Brésil.  Parfois, cela débouche aussi sur des jardins partagés ou communautaires. » Ou chacun définit ce qu’il fait, définit les règles qu’il enfreint ou qu’il pense enfreindre et s’approprie autant l’espace public que l’idée de l’action qu’il réalise.
  • MobMov un « guerilla drive-in » qui utilise le terme « manifesto » sans véritablement en proposer un
  • « Sound Tossing is a resistance movement. It is aimed a countering the dominance of acoustic advertising and new sound security tools intended to prevent young people from congregating in specific areas such as in public places and outside shops. Sound Tossing is instead a subtle sound intervention. It impacts and alters the normal course of urban life while encouraging discussion of topics such as acoustic overstimulation and public well-being. Moreover, Sound Tossing increases public awareness of the acoustic environment. »
  • street artist, urban explorer, poet, lyricist, activist and so on.
  • « A Dead Drop is a naked piece of passively powered Universal Serial Bus technology embedded into the city, the only true public space. In an era of growing clouds and fancy new devices without access to local files we need to rethink the freedom and distribution of data.« 
  • The blind « il cherche à sortir le braille de son format et de sa forme classique »
  • Cyklop « Il établit son territoire au coeur de la ville et entre en dialogue avec les passants, son oeil scrute et interpelle le regard. Il redonne à la ville sa dimension humaine et y apporte une touche sensible et surprenante. En marge des panneaux de signalétique ou de publicité dont la ville est saturée, il s’inscritdans l’espace public de manière originale, gratuite et universelle en s’offrant au regard de chacun. »

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S’installer dans les règles ou à leurs limites et améliorer

  • Le projet mobîlot de les agences comceci et 11h45 « l’installation sur la voie publique est très courte. La desinstallation peut être effectuée tout aussi facilement, et réinstallé ailleurs. »
  • « Candy Chang is an artist, designer, and urban planner who explores making cities more comfortable and contemplative places. She believes in the potential of introspection and collective wisdom in public space to improve our communities and our personal well-being.« 
  • Astro et Kanos : « Réaliser des graphs n’importe où sans dégrader »
  • The “Better Blockproject is a demonstration tool that acts as a living charrette so that communities can actively engage in the buildout process and provide feedback in real time.
  • My society « Everything we do aims to help people become more powerful in the civic and/or democratic parts of their lives. »

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Expériences

  • Stephard Feirey décrit son travail pour Andre the giant comme une expérience en phénoménologie : «  The Andre the Giant sticker campaign can be explained as an experiment in Phenomenology. Heidegger describes Phenomenology as « the process of letting things manifest themselves. » Phenomenology attempts to enable people to see clearly something that is right before their eyes but obscured; things that are so taken for granted that they are muted by abstract observation.The first aim of Phenomenology is to reawaken a sense of wonder about one’s environment. »  » Many stickers have been peeled down by people who were annoyed by the sticker which they consider an eyesore and an act of petty vandalism, which is ironic considering the number of commercial graphic images everyone in American society is assaulted by daily » « The Andre sticker seems mostly to be embraced by those who are, or at least want to seem to be rebellious. »  « In the name of fun and observation, the experiment continues…« 
  • Space invader « Le geste en lui même est déjà politique puisque j’interviens dans 99% des cas sans autorisation. Pour le reste, je suis plutôt dans l’expérimentation que dans la contestation, et puis il y a évidemment une dimension ludique dans ce projet, car j’ai finalement passé ces huit dernières années à voyager de villes en villes avec, comme principal objectif, celui de remporter un score maximum. »
  • Ernest pignon-Ernest  » …au début il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J’essaie d’en comprendre, d’en saisir à la fois tout ce qui s’y voit : l’espace, la lumière, les couleurs… et, dans le même mouvement ce qui ne se voit pas, ne se voit plus : l’histoire, les souvenirs enfouis, la charge symbolique… Dans ce lieu réel saisi ainsi dans sa complexité, je viens inscrire un élément de fiction, une image (le plus souvent d’un corps à l’échelle 1).
    Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire, en révéler, perturber, exacerber la symbolique… »

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Aucune revendication affichée

  • « Oakoak est un artiste français aimant s’amuser dans la rue »

REFLEXION § Cyklop au coin des rues parisiennes depuis 2005

Un objet de la vie urbaine quotidienne devient support d’expression … la ville de Paris nettoie dans un premier temps, puis les habitants font une pétition pour conserver leurs cyklops qu’ils apprécient. Au début considéré comme une dégradation, l’artiste Alain D’Hondt a travaillé par la suite avec la mairie du 11ème et une école pour « décorer » la rue Morvan (2010). La presse semble unanime, cela « redonne vie à la ville » … La ville est-elle donc morte ? LIEN

image tirée du blog des cyklops

CartoonStreet by Le CyKlop / Rue René Goscinny, Paris 13e / Photo © Le CyKlop

Le texte sur la réappropriation de la ville sur le blog des Cyclops:

Le CyKlop investit l’espace public en détournant le mobilier urbain. Les potelets métalliques peuplant les zones urbaines deviennent un support d’expression sur lequel il installe ses personnages à l’oeil unique, en référence aux créatures fantastiques de la mythologie grecque.
Ce nouveau personnage emblématique et singulier s’inspire de l’art populaire, du manga, des toys et prend les formes les plus fantaisistes. Les trottoirs de la ville deviennent un nouveau territoire à explorer. En se servant de la cité comme matériaux et comme théâtre de ses interventions, Le Cyklop transforme les poteaux en personnages ludiques et attachants : des animaux sauvages, des totems africains, des jouets…
Il établit son territoire au coeur de la ville et entre en dialogue avec les passants, son oeil scrute et interpelle le regard. Il redonne à la ville sa dimension humaine et y apporte une touche sensible et surprenante. En marge des panneaux de signalétique ou de publicité dont la ville est saturée, il s’inscritdans l’espace public de manière originale, gratuite et universelle en s’offrant au regard de chacun. Il intervient de manière légale ou illégale, mais le public est toujours conquis, sans distinction d’âge ou de classe sociale. Un projet invasif, où la multiplicité génère une nouvelle minorité à laquelle chacun peut s’identifier.
Il empreinte autant au monde des jouets (Lego, Playmobil…) qu’à l’Art africain, au règne animal ou aux mythologies populaires… Sa forme graphique fait penser à Medama Oyaji, le personnage de GeGeGe no Kitaro (un manga créé en 1959 par Shigeru Mizuki), dont la tête est réduite à un gros globe oculaire. Cette forme rappelle aussi le groupe de musique The Residents dans les années 80.